Le fonctionnement de l'Union Européenne aujourd'hui (2) :

Compétences de l'Union et procédures décisionnelles

Chronologie Institutions Compétences La Constitution Le débat

 

Ké-Kelle-fait l’Union ?

On a vu quelles étaient les principales institutions de l’Union Européenne. Mais tout ça ne nous dit pas ce que fait l’Union. « Tout se décide à Bruxelles » disent certains… On va voir que ce n’est pas tout à fait exact et que les domaines d’action de l’Union, s’ils sont nombreux, n’en sont pas moins strictement encadrés.

Ø       Principes de répartition des compétences

La distribution des compétences entre l’Union Européenne et les Etats membres est régie par une règle très simple, le principe d’attribution : l’Union Européenne ne peut exercer que les compétences qui lui ont été attribuées par les Etats. C’est pour cette raison que les politiques de l’Union sont dans le traité constitutionnel, et ce afin de donner une base juridique à l’action de l’Union. De plus, il faut préciser que selon la base juridique (c’est-à-dire selon le domaine de compétence dans lequel l’Union agit, en vertu du traité), les procédures décisionnelles varient. Ainsi, une directive sur le marché commun n’est pas prise selon les mêmes règles qu’une décision de politique étrangère et de sécurité commune (on y reviendra).

Jusque là, ça va. Mais les choses se compliquent un peu quand on rentre dans le détail de l’exercice de ces compétences.

Ø       Classification des compétences

La Communauté européenne exerce trois types de compétences. Pourquoi est-ce important ? Parce que selon le type compétence, le pouvoir de l’Union est plus ou moins important.

Les compétences exclusives : il s’agit des domaines où seule l’Union peut désormais prendre des règles générales. Les Etats ne peuvent agir que s’ils sont habilités par l’Union ou pour mettre en œuvre les décisions de l’Union. C’est le cas en matière d’Union douanière, de concurrence dans le marché intérieur, de politique monétaire et de politique commerciale commune.

Les compétences partagées : Il s’agit des compétences que l’Union européenne exerce en concurrence avec les Etats membres. Les Etats n’agissent dans ces domaines que lorsque l’Union n’a pas exercé sa compétence ou a renoncé à le faire. Ce type de compétence recouvre de nombreux domaines : marché intérieur, politique sociale (sauf l’essentiel des questions relatives à la sécurité sociale), politique de cohésion régionale, politique agricole commune, environnement, protection des consommateurs, transports, énergie, coopération judiciaire…

Les compétences d’appui : L’Union dispose d’une compétence pour mener des actions d’appui et de coordination dans certains domaines : protection de la santé, industrie, culture, tourisme…

Pour les domaines où l’Union ne dispose pas d’une compétence exclusive, le rôle respectif de l’Union et des Etats membres est déterminé par l’application du principe de subsidiarité (l’Union n’intervient que si les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats, et qu’ils peuvent être mieux atteints par l’Union) et du principe de proportionnalité (le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par le traité). Ces principes découlent de l’idée que les décisions doivent, par principe, être prises au plus près du citoyen.

 

Comment prend-on les décisions : Ki-fé-koi ?

Attention, ça se complique !

Depuis le Traité de Maastricht, L’Union Européenne a une structure en 3 piliers. Bon, quand on a dit ça on a rien dit. En fait, il s’agit d’une autre façon de classer les domaines de compétence de l’Union, en s’attachant, non pas à la répartition des compétences entre l’Union et les Etats, mais aux procédures décisionnelles au sein de l’Union. Depuis, le traité d’Amsterdam, le contenu de ces piliers a légèrement évolué. Voici la répartition actuelle des compétences :

1er Pilier

2ème Pilier

3ème Pilier

« Pilier communautaire »

Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)

Coopération policière et judiciaire en matière pénale

Méthode communautaire

Caractérisée par la participation des organes intégrés de l’Union : Commission, Parlement, CJCE.

Méthode intergouvernementale

Méthode de coopération entre gouvernements. Le Conseil prend seul les décisions, sans avoir besoin d’une proposition de la Commission, ni de l’accord du Parlement. La règle de décision est en général l’unanimité. La Cour de Justice n’a qu’un pouvoir de contrôle résiduel.

Exemples : PAC, marché intérieur, politique de cohésion régionale

Exemples : Positions communes de politique étrangère, Mandat d’arrêt européen...

 Le traité constitutionnel prévoit de supprimer la structure en piliers, qui est une source de complexités en pratique. Cependant, des procédures spéciales demeureront en matière de PESC et de coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Dans le premier pilier, les modalités d’association du Parlement varient : dans certaines matières, il est simplement consulté pour avis (selon les cas, le Conseil est tenu ou non de respecter le contenu de l’avis), dans d’autres cas un véritable dialogue s’instaure entre le Parlement et le Conseil :

-          Procédure de coopération : Le texte doit en principe être adopté dans les mêmes termes par le Conseil et le Parlement, mais le Conseil peut avoir le dernier mot s’il se prononce à l’unanimité.

-          Procédure de codécision : Le Conseil et le Parlement sont strictement à égalité, et ils doivent s’entendre sur un même texte pour qu’il soit adopté. Avec le traité constitutionnel, la codécision deviendra la « procédure législative ordinaire ».

 

Le Vote au Parlement : Sauf exception, un texte ne peut être amendé ou rejeté par le Parlement qu'à la majorité absolue des membres. Ceci implique qu’une abstention équivaut à un vote positif, ce qui limite les blocages.

Le Vote au Conseil : Le principe est que les décisions sont prises à la majorité des voix. Dans les faits, il n’en est rien. La plupart des décisions sont prises à la « majorité qualifiée », et dans les domaines les plus sensibles pour les Etats, elles sont prises à l’unanimité.

Le Conseil Européen, quant à lui, prend ses décisions par consensus (sans vote).

La majorité qualifiée : On parle de « majorité qualifiée » quand la majorité à réunir est précisée par des règles spéciales. Actuellement, la majorité qualifiée correspond à la majorité (voire les 2/3 dans certains cas) des Etats membres, réunissant au moins 72% des voix et 62% de la population de l’Union. Les voix au Conseil sont réparties entre les Etats membres, en fonction de leur importance démographique (29 pour l’Allemagne, 3 pour Chypre...)

Avec des conditions aussi strictes, on imagine bien que les décisions sont très difficiles à prendre, surtout à 25. C’est la raison pour laquelle le traité constitutionnel propose une nouvelle définition de la majorité qualifiée, afin d’éviter la paralysie du Conseil.

NB: Lors du Traité de Nice, la France présidait l'Union. Elle était tellement pressée de parvenir à un compromis qu'elle a accepté des concessions qui déséquilibraient les droits de vote au Conseil en sa défaveur, et au profit des "pays moyens" de l'Union (Pologne et Espagne surtout). Le rattrapage des "erreurs" de Nice a été l'un des points les plus difficiles de la négociation du traité constitutionnel, mais les Etats sont finalement parvenus à un compromis plus équilibré sur la majorité qualifiée.

En fait, si on entre dans le détail, les règles de décision sont encore plus compliquées. Mais on n’est pas là pour tout rendre incompréhensible, au contraire. Donc, si vous voulez en savoir plus, vous n’avez qu’à acheter un bouquin spécialisé. Et toc !

 

Mais pourquoi c’est si compliqué ?

Bon, l’idée de base, c’était d’expliquer simplement comment fonctionne l’Union. Mais on voit bien que, même en faisant un effort, ça n’est pas d’une simplicité aveuglante. Et puis il n’y  a qu’à lire les traités pour voir que quand on n’est pas spécialiste, on ne comprend pas grand-chose. Evidement, quand vous aurez lu ça, vous comprendrez sans peine les grandes lignes du projet de traité constitutionnel, mais avouez que ça ne s’improvise pas. Alors pourquoi ça n’est pas plus simple ?

On entend parfois une explication qui, elle, a le mérite d’être simple. Ce sont les vilains « technocrates de Bruxelles », qui feraient exprès d’écrire des textes incompréhensibles pour que les citoyens n’y comprennent rien. Pire encore, ces vilains technocrates seraient parfaitement incompétents et ils ne comprendraient même pas ce qu’ils écrivent. Explication simple, mais explication simpliste. Car même un vilain technocrate incompétent serait capable d’écrire un texte simple si on le laissait faire – et les fonctionnaires européens sont en général loin d’être incompétents.

L’explication réside ailleurs. Il y a d’abord le problème du plurilinguisme. Les traités, les règlements et les directives sont rédigés dans toutes les langues officielles de l’Union. Cela pose indubitablement des problèmes de traduction considérables. En effet, tous les mots n’ont pas un équivalent dans toutes les langues de l’Union. Pour être sûrs d’avoir le même traité dans toutes les langues, il faut donc parfois recourir à des périphrases qui compliquent la rédaction. En plus, les Etats n’ont pas une confiance absolue les uns dans les autres et beaucoup craignent l’interprétation que pourrait faire la Cour de Justice. Ils veulent donc que le traité soit le plus précis possible. Or, quand on veut essayer de prévoir tous les cas, on est obligé de mettre en œuvre une législation beaucoup plus compliquée. Enfin, il faut bien voir que le droit national n’est pas beaucoup plus simple. Nous vivons aujourd’hui dans des sociétés complexes et le droit est sommé de répondre à une grande diversité de situations et d’intérêts. Il est donc impossible qu’il ne soit pas complexe.

Last but not least, il faut prendre en compte une particularité de l’Union : le compromis. Qu’on le veuille ou non, les traités et les autres textes juridiques de l’Union européenne sont le fruit d’un compromis entre les différentes cultures politiques des Etats membres. Or, il existe une grande diversité entre les pays européens. Cette diversité existait à 6, elle existait à 15, alors imaginez ce que ça peut être à 25. C’est aussi cette nécessité du compromis qui explique que les nouveaux traités ne rendent personne fou de joie. Le principe du compromis, c’est justement que personne n’est parfaitement enthousiaste, parce que tout le monde fait des concessions. Au mieux un compromis est satisfaisant pour tous, il n’est jamais euphorisant.

Maintenant qu’on a vu pourquoi c’était compliqué, on va, au risque de se contredire, tenter d’expliquer ce que propose le traité constitutionnel avec des mots simples.